« Je n’aime pas quand on dit qu’on se sacrifie pour ses enfants. Je trouve que ça donne un côté trop négatif au fait d’être mère. Pourtant je peux dire que j’ai sacrifié ma carrière professionnelle pour élever mes enfants. Et franchement aujourd’hui, je le regrette presque. J’ai élevé mes enfants et à 59 ans j’en paie le prix fort. »
L’histoire de Madeline est celle de tant d’autres femmes. Devenue mère à 18 ans, Madeline voulait être photographe. « J’adorais la photo, je voulais en faire mon métier mais je suis tombée enceinte l’année de mon Bac. J’ai tout arrêté, la photographie c’était un rêve, mais devenir mère en était un autre beaucoup plus fort. » « Enfant de la Dass », Madeline avait le fort désir de fonder une famille. Après cette première naissance, 3 autres enfants sont arrivés dans ce foyer « heureux » un temps, jusqu’à ce que tout dérape. Sa situation de mère au foyer était « confortable » et elle l’a appréciée pendant des années. Mais une fois le nid vide et après qu’une séparation soit passée par là, Madeline avoue à demi-mot avoir regretté ce choix.
Nouveau témoignage pour notre théma parentalité et emploi : J’ai sacrifié ma carrière pour élever mes enfants.
Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.
Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.
C’est dur, c’est violent à entendre. C’est pourtant ainsi que Madeline voit sa vie aujourd’hui.
« Je travaille à mi-temps dans une maison de retraite. Je fais le ménage. J’ai aussi quelques particuliers qui me donnent des heures de ménage payées au black. Tout ça me permet à peine de payer mon loyer et mes factures. J’habite dans un 9m², quand je garde mes petits-enfants c’est chez ma fille.
Je ne reçois pas mes 4 enfants à la maison pour Noël, il n’y a pas la place ! Et depuis l’augmentation de l’essence, je limite mes déplacements et je vois donc beaucoup moins ma famille. Vous appelez ça comment vous ? Moi, j’appelle ça une vie de merde ! »
Le récit que Madeline fait de sa vie est bouleversant. Elle nous raconte comment les jours heureux sont devenus cauchemar. « Jusqu’à ce que le père de mes enfants quitte le foyer, ma vie était parfaite, simple mais heureuse. On se serrait la ceinture et on ne partait pas en vacances, avec un salaire et 4 enfants ce n’était pas envisageable, mais on était une famille soudée qui s’aimait. Ca me suffisait amplement. »
Tout a volé en éclats lorsque Stéphane, son ex compagnon, a annoncé vouloir quitter la famille.
« Il était comme moi, il avait 20 ans quand Charlotte est née. C’était un gamin, il ne connaissait rien du monde, il voulait savoir ce que c’était qu’être un homme célibataire et pas que le père d’une grande famille. On ne s’aimait plus depuis des années, on restait ensemble par obligation. Je lui en ai longtemps voulu, mais je le comprends maintenant. Au début ça allait, on a fait ça à l’amiable, il continuait de payer les factures. Charlotte avait 17 ans, elle pouvait m’aider à s’occuper des plus petits alors j’ai pris mon premier boulot à mi-temps. »
Une séparation « intelligente » qui a poussé Madeline vers ses premières expériences professionnelles.
« J’ai adoré travailler au début, c’était nouveau pour moi ! J’ai continué comme ça jusqu’à ce que Sofiane (son 3ème enfant) devienne majeur. Cette année là, Stéphane m’a annoncé que sa nouvelle compagne était enceinte et qu’il n’allait plus pouvoir m’aider autant financièrement. Je ne savais pas qu’ « autant » ça voulait dire « je ne vais plus rien te donner ». Il a progressivement disparu de la circulation, même avec les enfants. Ils n’ont plus de contact avec lui aujourd’hui. »
Les enfants avaient grandi, Madeline pouvait donc envisager de travailler à temps plein. L’entreprise qui l’employait ne pouvait lui accorder davantage d’heures, elle a donc cherché un autre emploi et l’a trouvé en logistique.
« Ca m’a pris six mois environ pour trouver une autre solution, et j’ai tenu dans les entrepôts jusqu’au départ de Maxine de la maison. Là j’ai pris la décision de retourner dans les ménages. Les entrepôts c’était trop physique pour moi, j’étais épuisée, je souffrais de douleurs lombaires constantes. Les ménages c’est physique aussi mais moins, et de toute manière sans Bac je ne peux pas faire grand-chose de plus, » nous raconte Madeline fataliste.
« Ca me convenait honnêtement, mais le problème c’est que maintenant j’ai 59 ans. J’ai pas le droit à grand-chose pour la retraite Je n’ai pas assez de trimestres. Je suis fatiguée par les ménages, qui me permettent tout juste de survivre. J’ai l’impression que je vais devoir travailler jusqu’à ma mort. »