Lilian est un parent comme tant d’autres tiraillé entre sa carrière professionnelle, sa vie de famille et ses enjeux personnels. Dans le cadre de notre Théma Parentalité/Emploi qui donne la parole à des parents et des entreprises sur ce sujet, Lilian a accepté de nous livrer son témoignage que nous aurions pu appeler : Le jour où j’ai eu peur d’être remplacé.
Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.
Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.
Nous sommes à la fin de l’année 2019, les fêtes approchent et si Lilian voit bien que “ tout le monde s’active pour préparer Noël ” à la maison, sa tête est ailleurs. “ Parfois on n’arrive pas à se décrocher la tête du boulot. On est focus sur nos projets, et il n’y a plus rien qui compte.”
A cette époque, le groupe dans lequel travaille Lilian change de locaux et si cela peut paraître anodin, c’est en fait un véritable bouleversement dans l’entreprise.
“ Ce qu’on oublie c’est que changer de lieu de travail entraîne beaucoup de choses. Déjà un temps de trajet supérieur dans mon cas, ensuite une période d’entre deux lieux qui a un clair impact sur son organisation, et enfin le changement entraînant le changement une réflexion sur les méthodes de chacun.”
Lilian passe les fêtes de Noël en famille terrassé par la fatigue et reprend son rythme effréné quelques jours après les célébrations.
“ On ne peut pas vraiment dire que j’ai fait une pause. J’ai pris quelques jours mais je les ai passés à dormir.”
Le déménagement terminé, la routine se réinstalle, Lilian s’adapte et se met en “ pilotage automatique ”.
“ Les êtres humains sont habitués au changement. Ca fout une claque, ça demande de la résilience, mais une fois que l’adaptation est faite, un semblant de sérénité revient.”
Sa famille avance aussi. Anouk 2 ans et demi passe 1h de plus par jour chez son grand-père. Notre interlocuteur n’y voit aucun problème, sa petite dernière est une véritable bouffée d’air frais dans la maison de son père qui a tendance à souffrir d’ennui depuis le décès de sa mère. “ Sur le papier, c’était parfait. Mon père était trop content de s’occuper encore plus d’Anouk, et l’augmentation de mon temps de trajet ne me coûtait rien en frais de gardes. “
Sur le papier…
“ J’avais l’impression que ça roulait, mais en fait plus les semaines passaient, moins je voyais ma fille. Avec le recul maintenant ce n’était pas nouveau, et si je suis honnête le fait que mes journées s’allongent n’a pas déclenché ma prise de conscience. Non, j’ai dit stop le jour où ma fille a appelé son grand-père “papa”.”
“ Mon coeur s’est brisé deux fois dans ma vie : quand ma mère est partie, et ce jour-là. Seul un père peut comprendre à quel point c’est violent d’entendre sa fille appeler une autre personne “papa”. Sur l’instant j’ai eu la pire des réactions, j’ai eu des mots forts envers mon père comme si c’était de sa faute. J’ai réprimandé Anouk comme si c’était aussi un peu la sienne.”
Le confinement est arrivé et ce fut une aubaine. “ Le confinement a été l’ingrédient qu’il manquait à ma prise de décision.” Tout s’est arrêté soudainement et comme nombre d’entre-nous, Lilian a pris le temps de regarder sa vie de barge et de constater.
“ C’est pendant le premier confinement que ma colère est devenue culpabilité. Je voyais ma fille tous les jours, et j’avais la sensation de la découvrir ! Je ne savais même pas qu’elle aimait à ce point les carottes ! Je me suis vraiment senti indigne d’être appelé “papa”.”
A la fin du confinement, Lilian a senti le besoin de “se racheter” auprès de sa famille. “ J’avais l’impression que je devais regagner leur amour et que ça passait forcément par un changement radical.” Deux options s’offraient à lui : parler de sa situation à son employeur, ou changer de voie.
“ Il me fallait une rupture pour continuer. J’ai négocié mon licenciement, et un an après j’ai retrouvé un travail à la Région. Je gagne clairement moins bien ma vie, mais je connais maintenant le prénom des copains de classe de ma fille, et ça ça n’a pas de prix.”