à propos.

Camille

Le jour où j'ai organisé une manif'

Camille n’est pas de celles qui “ râlent ”.
Elle ne tape jamais du poing sur la table.
Elle n’est pas syndiquée.
La politique, ce n’est pas son truc.

Camille se décrit comme une personne plutôt “ docile “, pas du genre à “ faire des histoires du moindre truc.” Pourtant, par un jour de “ trop plein “, Camille a “ ouvert sa gueule “. En un après-midi, elle a organisé une manifestation avec d’autres salariés de son entreprise pour obtenir ce qu’elle estime être un droit : une crèche d’entreprise.

Nouveau témoignage de notre théma parentalité/emploi : Le jour où j’ai organisé une manif.

Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.

Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.

Machine à café

Def : Lieu où naissent les idées​

 Il est 10h, nous sommes en janvier 2022 dans une entreprise du nord de la France. Il fait froid et Camille n’a “ plus de pulls supplémentaires à enfiler ” pour se réchauffer. D’un pas décidé, elle se rend en salle de pause avec un seul objectif : “ chocolat chaud ! ” 

Les yeux rivés sur le précieux breuvage qui coule, elle ne prête pas attention à Patrick et à Leïa qui discutent à quelques pas de là.

Tuuuuuuuut, récupérez votre boisson !  Sa dose de réconfort en main, Camille rejoint ses collègues et écoute enfin ce qu’ils se disent.

“ Ils parlaient de leurs enfants, mais j’étais vraiment à l’ouest ce jour là. Milla était malade, j’étais arrivée en retard parce que j’avais dû trouver une solution de dernière minute pour la faire garder. J’écoutais sans écouter, j’avais vraiment pas envie d’entendre des parents chouiner.

C’est quand j’ai entendu le mot “ crèche “ que je me suis réveillée. Une crèche ? T’as un plan ? J’en rêve ! Je pensais qu’ils parlaient d’une place disponible, d’un nouveau système ou je ne sais quoi, j’étais à côté de la plaque comme d’hab’. Ils discutaient de leurs difficultés, les mêmes que les miennes au final.”

Dans cette salle de pause, Leïa se confie à Patrick : La mère de son conjoint déménage, et c’est un drame ! C’est elle qui garde son plus jeune, et qui récupère ses deux autres enfants après l’école. Patrick de son côté n’est pas rassurant. Ses enfants sont plus grands maintenant, mais il raconte à quel point il a été difficile de trouver des solutions.

“ On ne peut pas dire que j’ai été d’une grande aide. Je n’ai pas vraiment participé à la conversation, ça m’a pris du temps avant de percuter et de me dire : Nan mais attends, si on est plusieurs à avoir des problèmes de garde, pourquoi on ne trouverait pas une solution dans l’entreprise ? “

Le lendemain, Camille décide d’exposer la situation à sa responsable des ressources humaines. “ Je suis allée voir la RH, pour lui soumettre l’idée. Sa réaction m’a dégoûtée. Elle n’avait pas le temps, c’était pas son sujet, c’est aux parents de se débrouiller… Je pensais même pas à la crèche d’entreprise, je voulais juste qu’on ouvre le débat, mais j’ai vite compris que c’était pas la peine.”

" En une heure...

...ça a fait le tour de l'entreprise ! "

“ J’en ai parlé à Leïa, qui en a parlé à Mathilde, qui en a parlé à Safia…en une heure ça avait fait le tour de l’entreprise ! J’ai trouvé ça puissant et beau en même temps. C’est là que je me suis dit que si on unissait nos forces on pourrait peut-être se faire entendre.J’ai donné rendez-vous à qui voulait dans la salle de pause à l’heure du déjeuner. ”

Nous voici de retour dans ce haut lieu de prise de décision qu’est la salle de pause, avec cette fois-ci 9 parents concernés par des problématiques de garde. 

“ 9 salariés, vous vous rendez compte ! Et encore en une matinée seulement, je ne comprends pas comment on peut ne pas essayer de trouver des solutions à un problème qui concerne 9 personnes. 

Pendant une heure, chacun a exposé ses problématiques, et on en est venus à un consensus : ce serait tellement plus simple si on avait une crèche d’entreprise. On a pris notre courage à deux mains et nous sommes allés cette fois à 9 dans le bureau de notre RH pour lui soumettre l’idée.”

Nouveau refus de la responsable de ressources humaines, agacée d’après Camille de la démarche des salariés.

“ Mais c’est pas comme ça qu’on fait, on prend rendez-vous, vous venez m’agresser dans mon bureau…”, imite Camille en prenant un faux ton énervé. “ On a tous compris que ça ne servait à rien de discuter. Certains voulaient abandonner, moi j’avais envie de lui montrer ce que c’est qu’une équipe agressive.”

En 5 minutes, la décision était prise :

“ Elle ne veut pas nous écouter ? On va l’obliger à le faire ! Certains ont lâché le wagon, mais nous étions 6. Quand j’y repense c’était ridicule. On a pris des feuilles dans l’imprimante et on a commencé à écrire des slogans. On s’est postés au milieu de l’Open Space et on a commencé à crier : Une crèche pour (nom de l’entreprise) ! Enfants gardés, salariés motivés ! “

5 minutes pour prendre la décision, et 5 minutes pour avorter la manifestation. “ Les responsables sont tous sortis de leurs bureaux, le big boss nous a hurlé d’arrêter et de retourner bosser, que ça ne servait à rien de manifester, l’entreprise ne ferait rien. Ma carrière de syndicaliste s’est vite arrêtée. Rien n’a changé, mais j’ai de nouveaux copains au boulot.”

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