à propos.

4 amies

4 récits !

Allison, Sandra, Joëlle, et Camille sont amies. Toutes mamans, elles exercent des professions différentes. Pour ce nouvel article de notre Théma Parentalité/Emploi, nous avons souhaité vous présenter les témoignages de ces quatre amies dans un même espace. Ils démontrent que l’équilibre vie professionnelle et familiale est aussi une question d’entreprise, et de métier.

Allison : J’ai de la chance, je travaille dans une super boîte !
Sandra : J’ai créé mon entreprise pour aller chercher ma fille à l’école.
Joëlle : J’ai mis de côté ma carrière d’infirmière pour les besoins de mon fils.
Camille : Mes enfants sont grands maintenant, je peux me consacrer à mon projet professionnel.

Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.

Pendant 8 mois, nous avons collecté des témoignages de parents, de recruteurs et de professionnels. Ils nous parlent souvent en anonyme de leurs difficultés ou des initiatives positives qu’ils ont mises en place. Ce dossier n’a pas pour vocation de récompenser les bons élèves et de fustiger les mauvais, mais uniquement de donner la parole sur un sujet qui concerne de nombreux Français.

Allison

" J'ai de la chance, je travaille dans une super boîte ! "

Allison est chargée de ressources humaines et le clame haut et fort : elle a de la chance, elle travaille dans une super boîte ! Maman de deux enfants, elle concilie avec succès malgré les difficultés, ses vies professionnelle et familiale. Pour Allison, les entreprises ont tout intérêt à faciliter le quotidien des parents mais c’est un gagnant-gagnant. Si son entreprise accepte d’adapter ses plannings ou d’ajouter des jours de télétravail, c’est car son supérieur sait que quoi qu’il advienne, le travail d’Allison sera toujours fait en temps et en heure.

Allison, maman de deux enfants et chargée de ressources humaines

Allison exerce dans un groupe qui gère des Ehpad. Son poste est basé à Marseille, le siège social, et l’entreprise pilote 30 établissements. Chargée de ressources humaines n’était pas la première vocation de notre interlocutrice du jour. Destinée à devenir professeure des Ecoles, elle prend la décision après l’IUFM de s’accorder une pause pour des raisons personnelles et professionnelles.

“ Après l’IUFM quand je suis rentrée sur Marseille, j’ai pris une année sabbatique car j’avais besoin de faire une pause. J’étais jeune, je sortais d’une longue relation, et je voulais m’accorder du temps mais aussi explorer des solutions.”

“ Par facilité ” mais aussi pour des raisons alimentaires, Allison se tourne vers McDonald’s. Elle y avait déjà travaillé, connaissait les équipes et les attentes. Sur place, Allison progresse vite. Elle devient formatrice et a l’opportunité d’observer les process, et notamment le volet RH qui la fascine. Alors que des conflits sociaux la poussent à négocier une rupture conventionnelle, elle envisage alors de se reconvertir dans ce domaine.

“ Il y a eu des conflits sociaux dans l’entreprise, j’ai demandé une rupture conventionnelle avec en tête mon projet de reconversion pro dans les RH. J’ai entamé ma formation RH à 28 ans. “

Timing.

Allison tombe enceinte dans les 15 premiers jours de sa formation. Elle poursuit tout de même avec le support d’Antoine son conjoint et de sa mère. “J’étais enceinte de six mois quand j’ai passé mon étude de cas.” Elle parvient à obtenir son diplôme en février 2014, et commence à travailler dans l’entreprise qui l’emploie toujours, deux mois plus tard. Lorsqu’elle la rejoint, sa fille a alors huit mois.

“ A la base c’était un CDD pour remplacer une personne en maternité. J’ai été renouvelée parce qu’il y avait la déclaration sociale nominative qui sortait et ils avaient besoin d’aide sur ce sujet. Ils ont renouvelé mon contrat sur une année, et ensuite ils ont créé un CDI pour moi.”

Lors de son embauche, si le sujet n’est pas tabou, Allison ne parle pas de son enfant.

“ Ma fille avait 8 mois quand j’ai été embauchée, mais je n’ai pas parlé de ma fille à l’entretien volontairement. Je me suis dit que ça allait bloquer. J’ai eu peur que ça les dérange. Je ne l’ai pas caché mais j’ai attendu qu’on me pose la question pour en parler. Quand ils l’ont su ça n’a rien changé.”

Lorsqu’elle signe son CDI, bébé 2 est déjà en projet. Allison choisit pourtant de se consacrer à sa carrière professionnelle avant de l’envisager.

“ Quand j’ai signé mon CDI j’avais pour projet d’avoir un deuxième enfant, mais j’ai attendu 6 ans et demi entre mes deux enfants, car justement je ne voulais pas signer mon CDI et directement tomber enceinte et je voulais aussi évoluer dans cette boite. J’ai mis de côté mon désir de maternité, par envie d’évolution professionnelle.

Je me suis finalement rendue compte que ça n’a servi à rien, car je n’ai pas évolué plus vite et qu’ils m’ont proposé une évolution alors que j’étais enceinte de ma deuxième fille. Une semaine avant que je parte en congé maternité ! “

“J’ai vraiment de la chance de travailler dans une super boite.”

Allison se sent chanceuse. Elle estime que la flexibilité dans l’entreprise qui l’emploie est suffisante pour gérer sa vie. La société fonctionne sur un principe de confiance gagnant-gagnant.

“ Ils ont toujours accepté mes changements de planning motivés par mes changements personnels. Ils partent du principe que tant que le boulot est fait, ils feront en sorte d’arranger les salariés. J’ai réduit par exemple ma pause de 1h à 30 minutes pour changer mes horaires. J’ai toujours pu adapter ma vie familiale avec mon boulot, ce qui n’est pas le cas pour Antoine. Je suis vraiment reconnaissante d’avoir un job qui me plait, avec un salaire convenable et qui me permet de concilier vie privée et vie professionnelle comme je l’entends. "

Et même si Allison concède que ce n’est pas toujours facile, car elle a deux enfants, un conjoint qui travaille beaucoup et un emploi à temps plein, elle estime avoir le boulot parfait pour être à temps plein tout en gérant sa vie familiale.

Sandra

Ma fille a 8 ans et je participe pour la première fois à ses sorties scolaires et ça, ça n’a pas de prix !

Mère célibataire, Sandra a choisi de créer son entreprise pour pouvoir aller chercher sa fille à l’école. De ses débuts dans la restauration en passant par son salariat jusqu’à la création de son entreprise, Sandra nous raconte comment sa fille a aussi motivé ses choix professionnels.

Sandra, des envies d'équilibre

Avant même la naissance de sa fille, la question de l’équilibre vie professionnelle et vie personnelle était déjà présente dans le parcours de notre interlocutrice du jour.

“ J’ai commencé dans la restauration. C’est un métier très prenant, et pour pouvoir avoir une vie personnelle épanouie, j’ai basculé sur un métier plus administratif. J’ai fait de la conciergerie d’entreprise pour aider les employés à mieux concilier leurs vies professionnelle et personnelle. J’ai fait ça pendant six ans et j’ai eu ma fille à ce moment. C’était vraiment parfait, j’avais des horaires adaptés à ma vie de famille.”

Suite à un appel d’offres, Sandra perd son emploi et se retrouve au chômage avec un enfant en bas âge. Toujours en couple à cette période et sans solution de garde, la question de la reprise rapide d’une activité professionnelle ne se pose pas. Son conjoint de l’époque travaille sur les bateaux et embarque 15 jours par mois. Il gagne bien mieux sa vie que Sandra, la décision est alors prise qu’elle reste au chômage quelque temps pour s’occuper de leur enfant.

“ C’est dingue, mais c’était plus avantageux pour moi par rapport à mon organisation familiale de rester au chômage ! Je suis restée sans emploi pendant deux années, parce que je n’arrivais pas à trouver un job qui me permettait de garder ma fille qui n’avait pas de places en crèche à l’époque, tout en assurant sur le volet professionnel. L’argument était aussi financier, je me suis rendue compte que ce que j’allais gagner en plus de mon chômage, j’allais le dépenser en frais de garde. “

Suite à cette période d’inactivité, Sandra retrouve un poste à 39h et si la vie était toujours complexe, elle parvient à trouver un accord avec l’entreprise qui la salarie.

“ J’ai demandé à adapter mes horaires car je faisais du 8h-18h, la crèche ouvrait à 8h et fermait à 18h. Donc je ne pouvais pas être à l’heure ! Je me suis arrangée avec l’entreprise pour travailler sur ma pause déjeuner et décaler mes horaires. Ils ont accepté.”

La situation tient jusqu’au jour où la société est rachetée. Les accords conclus deviennent caducs, Sandra s’adapte grâce à l’entrée de sa fille à l’école et paie la garderie le matin et le soir pour répondre aux besoins de l’entreprise. Aujourd’hui mère célibataire, Sandra souhaite avant tout faire passer sa vie personnelle en priorité. Elle a donc décidé de se mettre à son compte pour pouvoir être flexible dans ses conditions de travail.

“ Aujourd’hui je suis mère célibataire et je préfère faire passer ma vie personnelle en priorité. C’est pourquoi j’ai choisi de me mettre à mon compte pour pouvoir travailler quand je le souhaite. Je fais de la gestion administrative à distance. Ma fille a 8 ans et je participe pour la première fois à ses sorties scolaires et ça, ça n’a pas de prix ! Je ne regrette rien, mais quand j’y pense oui, cette décision était un choix mais aussi une nécessité.”

Joëlle

Concilier vie pro et vie familiale, ça dépend aussi du métier.

Joëlle est infirmière et a dû gérer la mutation de son conjoint à Paris, alors qu’elle résidait à Marseille et que leur enfant était encore bébé. Pour elle, il y a certains métiers où l’adaptation est compliquée ! Impossible naturellement d’être flexible, ou encore de télétravailler dans le secteur médical. Si des solutions existent, les options sont aujourd’hui insuffisantes pour satisfaire toutes les demandes.

Joëlle : une carrière mise de côté pour le bien-être de son enfant

Infirmière depuis 2008, Joëlle a eu son fils alors qu’elle était âgée de 25 ans. Jeune mais déjà en CDI, elle s’était toujours dit qu’elle envisagerait d’avoir un bébé quand elle aurait une situation stable. Alors qu’elle est enceinte, son conjoint est muté sur Paris. Joëlle demande un congé parental en se disant que ce serait plus simple pour la famille de revenir dans le Sud de la France si elle conservait son CDI. Elle suit donc son mari, et reste sur Paris pendant un an.

“ Cette situation a duré 4 ans et demi. Je suis restée sur Paris pendant 1 an, et ensuite j’ai fait les allers-retours. J’ai repris le travail quand mon fils avait 9 mois. Mon mari était sur Paris, il revenait 3 jours tous les 9 jours et moi j’étais sur Marseille avec mon planning infirmier en temps complet et mon fils à gérer. “

Joëlle sollicite l’une des places en crèche réservées à sa situation, mais le nombre de personnes qui ont besoin de places est supérieur aux disponibilités. Après avoir écrit à sa direction pour lui expliquer sa situation, elle obtient une place mais d’autres problèmes se posent alors.

“ J’ai eu de la chance d’avoir une place, les horaires étaient adaptés à nos horaires infirmiers. Le problème c’est que quand tu déposes ton enfant à 6h, il faut qu’il soit propre, habillé, qu’il ait pris son biberon. C’est limite de la maltraitance de lever son enfant à 5h. Du coup j’ai fait ça un moment parce que j’étais seule et bloquée, et j’ai changé de solution parce que ce n’était pas confortable. J’ai cherché une nounou pour les jours où je commençais très tôt pour qu’elle garde mon fils quelques heures le matin. J’ai pu faire appel à mon amie Sandra qui le gardait jusqu’à 10h. C’était gagnant gagnant, ça lui faisait un complément et ça m’évitait de réveiller mon fils à 5h du matin. “

Une situation qui fonctionne un temps mais qui n’est pas durable. Joëlle “tient” en se disant que quand son mari rentrera, tout ira mieux, mais force est de constater qu’il ne rentre pas. Se pose alors la question du : que faire pour à la fois travailler et payer les factures, et respecter le rythme de son enfant ?

“ On s’est demandé ce qu’on allait faire. Mon métier est une passion, j’étais sur un projet professionnel de carrière dans ce domaine pour arriver à mon objectif. J’ai abandonné mes objectifs, j’ai pris un poste en 8-16. Un poste et des horaires qui ne me correspondaient pas de base, mais en me disant que je serai là le soir, les jours fériés et les week-ends. “

Un sacrifice de ses ambitions professionnelles mais aussi sur le volet financier. En abandonnant les week-ends et jours fériés, Joëlle voit son salaire baisser.

“ Le but c’était que mon fils puisse avoir une vie normale, parce qu’il n’a pas à pâtir de notre travail, de nos mutations etc. J’ai pris ce poste pendant 4 ans, mon mari est revenu, mon fils a grandi et j’ai repris un poste classique à ce moment-là. Après 7 ans, mon mari a réussi à avoir un poste où tous les deux on pouvait être présents et travailler.”

Joëlle n’est pas la seule dans le secteur médical à faire ce sacrifice. Elle nous explique qu’il y a 10 places pour 400 infirmières où elle exerce, et que s’il y a donc des solutions du côté de l’employeur, elles sont très restreintes.

“ Les solutions pour les parents dépendent des interlocuteurs, des chefs et de la direction, mais aussi du métier qu’on exerce. Quand on en parle, on nous répond qu’on ne nous force pas à être infirmière, et qu’on ne nous force pas à être ici. Ils ne sont pas là pour assumer nos enfants, nous sommes responsables de nos vies pro et perso et si les deux ne concordent pas, ils n’y sont pour rien. Beaucoup d’infirmières partent en libéral mais pas pour faire de l’argent. Elles font de petites tournées, des tâches beaucoup moins techniques, mais aussi beaucoup moins intrusives dans leurs vies. “

Camille

Maintenant que mes enfants sont grands, je peux envisager ma reconversion professionnelle.

Camille a toujours privilégié sa vie de famille. A 40 ans et avec des enfants qui ont grandi, elle débute une reconversion professionnelle pour s’épanouir davantage dans son métier. De ses débuts dans la vie comme danseuse à ses envies d’entreprendre, Camille nous raconte son quotidien de maman qui travaille.

“ Mes projets sont plus grands maintenant ”

Camille a commencé sa vie professionnelle comme danseuse. Elle arrête cette profession à ses 20 ans, parce qu’il s’agit d’un métier difficile, aléatoire et précaire et que notre interlocutrice a besoin de stabilité. Elle reprend ses études dans la restauration, obtient sa licence, part un an aux Etats-Unis et prend un poste d’économe dans un grand groupe hôtelier à son retour en France. Elle reste 11 ans en fonction. Au moment de notre rencontre, Camille vient de démissionner et a démarré sa reconversion.

“ Ma reconversion a beaucoup été décidée par rapport à la reconversion de mon mari. Pendant les 11 années où j’ai travaillé dans l’entreprise qui m’employait, j’ai eu des horaires qui étaient en adéquation avec ma vie de famille. Ce métier, je l’aimais beaucoup.”

La reconversion de Camille n’a ni été motivée par des enjeux d’équilibre, ni par dégoût de ses activités, mais plutôt par besoin de s’épanouir.

“ Je savais que je ne pouvais pas évoluer dans mon poste. Je l’ai totalement accepté, parce que la priorité c’était mes enfants. Mes projets n’étaient pas du côté professionnel jusqu’à aujourd’hui.”

Les projets de notre interlocutrice sont aujourd’hui plus grands. Ses enfants ont grandi, et Camille s’est dit que c’était le bon moment.

“ Mon mari n’a pas changé de métier, mais d’approche de son métier. Je me suis dit que maintenant mes enfants sont grands. Ils ont 12 et 9 ans. Si je veux évoluer professionnellement c’est maintenant ! J’ai 40 ans aussi, il y a peut-être un tournant psychologique. J’ai décidé de reprendre des études pour me donner l’opportunité de continuer dans le métier que j’exerce, mais avec un niveau de compétence plus élevé pour avoir accès à des postes mieux rémunérés, avec plus de responsabilités.”

Camille l’admet. Si ses enfants étaient plus jeunes, elle ne se serait peut-être pas lancée dans ce projet professionnel.

“ Mes enfants sont plus autonomes, mais ils le comprennent aussi plus. Un enfant de 4, 5, 6 ans, quand il ne voit pas sa maman, il ne comprend pas et il peut en souffrir. Eux ils sont à l’âge où ils commencent à être capables de comprendre que j’ai un nouveau boulot, que ça me prend plus de temps mais que ça m’épanouit. Je suis moins là et ils ne me font aucun reproche, ils ont une maturité suffisante pour comprendre.”

La crainte de Camille : que ses enfants pensent qu’elle les abandonne. Mais force est de constater que toute sa famille comprend que maman a besoin de se sentir bien dans son métier, d’avoir une vie professionnelle enrichissante. 

Camille a démarré un emploi et une formation il y a un mois. Un rythme intense qui l’invite à la réflexion.

“ Je pensais être décidée à assumer des horaires comme ceux-là, mais je n’en ai pas envie. Même si personne ne me fait culpabiliser, je pars tôt et rentre tard toute la semaine. Je ne regrette pas mes choix, mais si je veux un poste plus épanouissant, je veux aussi vivre ! Maintenant la question c’est : comment avec ce nouveau métier et ce nouveau diplôme je vais pouvoir me recréer une vie professionnelle enrichissante et qui me permette de voir toujours mes enfants ? Ce n’est pas une question organisationnelle car quand j’aurais fini ma reconversion, ils seront grands. Mais c’est une vraie volonté de ne pas sacrifier les temps de vie avec eux. Ce sera peut être en étant à mon compte.”

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